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Le Groupe Intervention Vidéo

Un centre montréalais d’artistes qui diffuse les créations de femmes

 Des femmes viennent vers nous et nous disent « j’ai un film et je ne sais pas quoi faire avec, je ne sais pas comment ni où l’envoyer » et on s’occupe de ça. C’est ce qui est le plus facile pour nous et qui répond aux attentes des artistes. Tout le monde se débrouille plutôt bien de nos jours, les gens sont hyper débrouillards, donc ils arrivent avec les choses faites. Et pour ça il n’y a pas vraiment de critères, il faut simplement que ce soient des vidéos faites par des femmes.

Paroles de GéanteLe Groupe Intervention Vidéo

L’équipe du GIV croquée par Annaëlle Winand

Le Groupe intervention Vidéo, créé en 1975, vient en aide aux femmes réalisatrices de vidéo et les soutient dans la diffusion de leurs œuvres. J’ai rencontré Anne Golden, sa directrice artistique, et Annaëlle Winand, responsable des communications et de la diffusion. On a parlé de l’histoire du GIV, des thématiques qui émergent autour des questions d’identité et de la vidéo comme outil de l’art politique.

Quels étaient les objectifs du Groupe Intervention Vidéo (GIV) à sa création, en 1975 ?

Anne Golden (AG) : Les trois axes principaux à la création du GIV c’était de rendre des outils de production accessibles à des femmes, faire des vidéos qui parlent spécifiquement de sujets qui intéressent les femmes, et les faire voir à d’autres. Au départ c’est un groupe de producteurs et productrices, hommes et femmes ensemble, qui avaient de l’équipement qu’elles et ils voulaient se partager et partager avec d’autres. L’idée était d’avoir un lieu de production pour faire des documentaires à caractère social principalement. Dans les écrits de l’époque – il n’y en a pas beaucoup qui restent dans les archives et c’est un problème – il y a une vision utopique de la fonction de la vidéo. La vidéo doit pouvoir changer les choses. Les documentaires faits par ce groupe mixte sont donc plutôt politiques, sur le féminisme, sur le droit à l’avortement, sur des grèves dans des usines.

AG : À partir des années 1980 le GIV devient un groupe exclusivement de femmes. Il n’y avait pas de volonté de se séparer, mais après quelques années les hommes sont partis du GIV, les femmes sont restées, puis d’autres femmes sont arrivées. À cette époque-là les choses étaient assez volatiles. Les idées sur la politique changeaient rapidement, les gens s’engageaient pendant quelques temps, puis changeaient. Je pense que c’est ce qui est arrivé.

Éva-Fleur, Annaëlle et Anne, une partie de l’équipe du GIV
Crédits : Groupe Intervention Vidéo, 2018

Quelle est la forme du GIV, et comment se finance la structure ?

AG : On est un centre d’artistes*. Nos financements sont publics. On est subventionné par les trois paliers de gouvernement : fédéral, provincial et municipal : le Conseil des Arts du Canada, le Conseil des Arts du Québec, le Conseil des Arts de Montréal. Et on va chercher des petites subventions ponctuelles pour des ateliers par exemple. On a une petite partie de revenus autonomes aussi, on loue et on vend les vidéos de la collection. Mais c’est impossible de vivre de ça, et ça varie chaque année.

Annaëlle Winand (AW) : Nos financements n’augmentent pas nécessairement non plus. C’est toujours un équilibre qui répond aux besoins du moment, du nombre d’artiste qu’on a distribuées. C’est une balance, comme pour tous les centres d’artistes : on fait une projection en moins mais on a besoin de plus de main d’œuvre pour certains projets. On jongle avec les revenus qu’on a.

En tant que centre d’artistes, le fait de ne diffuser que des vidéos réalisées par des femmes a-t-il un impact sur vos subventions ?

AG : On n’est pas menacé dans nos financements. On peut être coupées, ça peut arriver en fonction du gouvernement. Mais on est subventionné comme un centre d’artistes. Donc si on fait le travail qu’on est supposé faire et qu’on le fait bien, le Conseil des Arts du Canada ne coupera pas nos subventions simplement parce qu’on est un centre de femmes. Au contraire je dirais. Par contre on nous demande souvent pourquoi on existe encore, pourquoi un centre de femmes. Parler juste des femmes c’est considéré comme dépassé.

AW : Ça fait quand même longtemps qu’on est dans le paysage. Donc j’ai l’impression que si ça a sûrement dû être difficile pendant très longtemps, désormais on doit moins se battre. On nous pose encore la question, mais on est là. On est établies, on fait partie du paysage. Mais c’est vrai qu’on a encore la question : pourquoi vous existez encore, pourquoi vous n’êtes pas mixtes, etc.

Qui sont les artistes qui vous demandent de les accompagner ?

AG : Elles peuvent être très jeunes, sans expérience, ou des artistes reconnues qui ont besoin d’aide ponctuelle, ou qui demandent si le GIV peut les aider pour une partie de la production, ou pour la diffusion.

Vous venez en soutien aux créatrices dans la phase de production et de diffusion. Concrètement, quelles aides leurs apportez-vous ?

AW : L’aide qu’on apporte c’est surtout dans la diffusion. Des femmes viennent vers nous et nous disent « j’ai un film et je ne sais pas quoi faire avec, je ne sais pas comment ni où l’envoyer » et on s’occupe de ça. C’est ce qui est le plus facile pour nous et qui répond aux attentes des artistes. Tout le monde se débrouille plutôt bien de nos jours, les gens sont hyper débrouillards, donc ils arrivent avec les choses faites. Et pour ça il n’y a pas vraiment de critères, il faut simplement que ce soient des vidéos faites par des femmes.

On essaye de rencontrer leurs demandes, mais on a des limites. On ne peut pas répondre à des demandes pour des gens qui voudraient que leur œuvre soit diffusée en IMAX par exemple. On discute de ce qui est possible, de ce que la personne attend de nous, et ce que nous on peut offrir. Et généralement c’est une diffusion en festival, en Université, des programmations ponctuelles.

AG : Même si on fait de la production on n’est pas vraiment subventionnés comme producteurs. Donc on offre de l’aide ponctuelle pour la production. On a une caméra et des ordinateurs qui peuvent être utilisés pour le montage, un projet en ligne ou autre. Bien équipés, mais très simplement. On demande toujours de nouveaux équipements mais on est entouré de centres comme Vidéographe** et d’autres, qui ont beaucoup d’équipements.

Dans la culture montréalaise, on n’essaye pas de dupliquer ce qu’ils ont comme équipement, parce que les artistes peuvent aller là si elles en ont besoin. Nous on offre quelque chose dans le processus de vidéo légère, facile d’accès.

AW : Généralement ce qui aide beaucoup les artistes c’est l’ordinateur et le logiciel de montage, parce que ça coûte très cher un logiciel de montage et pour faire des petites choses c’est facile de venir ici. Ou encore tout le matériel qui permet de numériser les vidéos, les VHS, les mini-DV, tout ça on peut le faire, à petite échelle évidemment. Si une artiste souhaite transférer un film en numérique, on peut le faire ici.

Le GIV organise régulièrement des événements. Des projections, mais aussi des soirées, comme le 1e décembre dernier.
Crédits : Groupe Intervention Vidéo, 2018

Votre catalogue de diffusion comprend plus de 1500 œuvres. Quels sont vos relais de diffusion, et comment se passe la distribution des vidéos ?

AW : Tout est possible. On a un volet diffusion, où on envoie dans les festivals. On répond aux appels des festivals qui demandent de la vidéo ou autre. Pour ça on a une base de données et une sélection de festivals. On est ouvert aussi quand les artistes nous appellent et nous disent qu’elles voudraient que leur vidéo soit présenté dans un endroit en particulier, alors on les envoie. On organise nous-mêmes des projections, ici dans nos locaux, ou à la maison de la culture, avec laquelle on a un accord. Soit c’est nous qui faisons des programmes et proposons des films, soit on invite d’autres artistes à faire des programmes, ou des soirées à thèmes où elles peuvent inviter d’autres artistes.

On vend aussi des vidéos aux Universités et aux Écoles, pour les bibliothèques pour qu’elles soient accessibles aux étudiant.e.s.

Très ponctuellement on répond aussi à des appels particuliers. Parfois des personnes nous appellent et nous disent qu’elles travaillent sur un projet très spécifique, et nous demandent à avoir accès à une vidéo en particulier. Dans ces cas là c’est du cas par cas. Elles peuvent l’acheter, la louer, ou venir la regarder ici.

Dans une optique de diffusion large, vendez-vous certaines vidéos à la télévision ?

AG : Ça peut arriver, mais c’est assez rare. La plupart des œuvres qu’on a sont des œuvres poussées, expérimentales. Elles ne sont faites pour être vues à la télévision. Ou alors pas une télévision telle que moi je la connais. La télévision ne comprend pas les petits formats et comment programmer l’expérimental. Donc on ne mise pas là-dessus. Mais des fois, on a des documentaires plutôt classiques, vraiment bien faits, qui rentrent dans les formats que la télévision demande, et là ça peut marcher. C’est arrivé. Mais ça n’arrive pas si souvent que ça, parce qu’on travaille avec des artistes. On n’est pas producteurs, et on ne recherche pas nécessairement quelqu’un qui veut avoir un « broadcast », une diffusion large en télévision.

AW : On est plutôt orientées arts, documentaires, expérimentation. Beaucoup d’artistes qu’on distribue ne sont pas des artistes qui vont vendre des œuvres, être diffusées de manière large. Notre but c’est d’aider les femmes dans leur démarche artistique et essayer de le diffuser le plus possible d’une manière ou d’une autre.

Dans son mandat, le GIV doit aussi favoriser l’accessibilité des contenus qu’il diffuse, et l’interpénétration des milieux artistiques, communautaires et éducatifs. Comment y parvenez-vous ?

AG : Quand on faisait des tournées dans d’autres pays, on travaillait toujours avec des centres de femmes ou d’autres organismes. Parfois les projections attiraient 10 personnes. Mais ces 10 personnes étaient intéressées. Pour nous ce n’était pas le nombre de personnes présentes qui comptait, mais surtout s’il y avait des discussions après.

AW : Aujourd’hui encore ce qu’on fait ici est très accessible. Tous nos événements sont gratuits. Généralement il y a toujours un espace ou un moment de discussion dans nos présentations. Et cela tant pour l’artiste que pour le public. C’est un échange. Ce n’est pas quelque chose de guindé où on est assis, où on regarde l’œuvre de quelqu’un, et on s’en va quand c’est fini. Généralement il y a toujours un lien entre le public et l’artiste. On donne toujours la parole aux artistes qui sont présentes, sauf dans le cadre de l’événement Vidéos de Femmes dans le Parc*** où on n’a pas l’occasion de le faire. Mais ça reste des événements familiaux et accessibles, où tout le monde peut se rencontrer assez facilement et communiquer.

AG : On visite aussi des écoles, on parle de ce qu’on fait ici, de Vidéos de Femmes dans le Parc par exemple, en disant aux étudiantes qu’elles peuvent soumettre leurs œuvres. On parle de distribution et de diffusion. L’idée c’est de toujours continuer d’aller vers les gens, et parler du GIV.

AW : On va voir toutes sortes de communautés, pas seulement des étudiant.e.s. On va dans des centres d’artistes, dans des centres communautaires, vers des personnes qui travaillent avec des femmes immigrées, avec des jeunes en difficulté… Toutes sortes de communautés qui font Montréal.

Le GIV rencontre des étudiant.e.s, ici des étudiant.e.s de l’Université de Montréal. Crédits photo : Groupe Intervention Vidéo, 2018

Est-ce que vous menez des projets avec des centres de femmes ?

AG : Nous on est ouvert. Dans la diffusion on est très actives, on fait entre 12 et 16 activités de diffusion par année. Dans nos locaux, à la maison de la culture, en tournée, dans d’autres villes, en collaboration avec d’autres lieux, donc on y est hyper occupées. Mais si quelqu’un vient nous voir avec un projet, une idée, et qu’on a le temps et l’énergie, on est ouvertes à collaborer.

Propos recueillis auprès de l’équipe du GIV, le 19 octobre 2017, à Montréal

* Les centres d’artistes sont des « organismes sans but lucratif, dirigés par un conseil d’administration comptant une majorité d’artistes; ces établissements ayant pour activité principale de favoriser la production d’œuvres et la recherche en arts visuels. Ils mettent à la disposition des artistes des espaces, des équipements, des services et des ressources spécialisés et ils proposent des activités de réflexion, de formation, de perfectionnement et d’accueil pour des séjours de production ». Les centres d’artistes sont regroupés au sein du RCAAQ.

** Né en 1971 au sein de l’Office national du film du Canada, Vidéographe est également un centre d’artistes qui encourage la recherche et la diffusion des créations audiovisuelles, et entre autres la fiction

*** Le festival Vidéos de Femmes dans le Parc a été fondé en 1991. Tous les ans, le GIV organise ainsi une projection d’environ 50 minutes dans le parc Lafontaine à Montréal, où sont projetées des vidéos d’art, expérimentales ou documentaires

Le Groupe Intervention Vidéo est géré par une petite équipe salariée et un conseil d’administration. Le GIV fait également appel à des collaboratrices de manière ponctuelle.

L’équipe

Direction générale, artistique, distribution, diffusion, production, communications :

Petunia Alves, Anne Golden, Liliana Nunez, Annaëlle Winand, Eva-Fleur Riboli-Sasco,

Les collaboratrices

Soutien aux artistes, graphiste, webmaster :

Marik Boudreau, Sophie Bellissent, Anel Medina, Zab Design,

 

Le Conseil d’administration

Nancy Marcotte, Ryofa Chung, Petunia Alves, Marik Boudreau, Liliana Nunez, Sylvie Sainte-Marie,

 

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