Les Géantes
  • Accueil
  • Portraits
  • Thématiques
  • À propos
  • Rechercher

Féminisme et rapport au corps : arrêter de s’épiler

Noémie s’engage dans la sphère privée – au sein de son couple, avec ses ami.e.s – pour faire avancer les questions féministes et veganes.

Elle réfléchit beaucoup au rapport qu’elle entretient avec son corps, notamment sur l’épilation. Elle a décidé de laisser pousser ses poils il y a quelques années. Elle nous raconte pourquoi elle a pris cette décision, comment elle l’a mise en application. Elle nous parle aussi du regard des autres, et du travail d’acceptation qu’elle a dû faire.

Quand as-tu pris la décision de laisser pousser librement tes poils ? Est-ce que ça a été une décision définitive, en plusieurs étapes, concrètement, comment ça s’est passé ?

Il y a environ deux ans, j’ai tout arrêté d’un coup. Je m’épilais par obligation sociale et un jour je me suis rendue compte que je ne le faisais pas pour les bonnes raisons, donc j’ai arrêté de le faire.

Arrêter l’épilation a été un peu dur au début, même si ça ne créait pas forcément des débats. Mes amies femmes m’ont dit « t’es vraiment courageuse ». C’est marrant parce que c’est des filles très émancipées, féministes au quotidien, mais arrêter l’épilation c’est une étape dont elles ne se disent pas capables.

Il faut accepter le regard des autres. Au début je trouvais ça dur. C’est dur de se dire « moi, je peux inspirer du dégoût ». Ça fait mal. J’ai travaillé avec des enfants après avoir arrêté de m’épiler, et c’était dur, surtout avec les enfants, parce qu’ils n’ont pas peur de réagir. L’adulte va plutôt esquiver le regard.

Maintenant j’ai réussi à passer cette étape, quand je vois des regards de dégoût ça me fait plutôt rire. Mais ça m’a pris du temps.

Qu’a-t-il été facile ou au contraire difficile, d’arrêter d’épiler ?

Le plus facile ça a été les jambes. Et le plus dur ça a été les aisselles parce que ça se voit. Les jambes les gens ne s’attardent pas trop. Mais les aisselles dès que tu t’étires tu vois le regard. Ça, ça a été dur. Sans blague. Au début, une chance que j’avais l’appui de mes amies, de mon chum. J’en parlais souvent au début. En plus je travaillais dans une école à ce moment-là, avec des tout petits, jusqu’aux ados. Tu le vois le regard de dégout. Ça m’a permis de beaucoup réfléchir à ma relation aux poils aussi. Maintenant je trouve ça beau et je suis fière. Mais encore maintenant je vois le dégout et ça ne me rend pas à l’aise. Je pense que ça prend beaucoup d’estime de soi pour faire ce move-là. Quand je vois mes amies qui disent qu’elles ne seraient jamais capables d’arrêter de s’épiler, je leur conseille de commencer à y réfléchir lentement et peut-être qu’un jour elles seront prêtes. Moi je l’ai fait à l’inverse, je l’ai fait drastiquement et après seulement j’ai vu les conséquences.

J’ai envie de me sentir sexy même avec du poil. Et au début j’avais du mal. Mais ça aide d’avoir un copain qui te dit qu’il te trouve sexy même avec ton poil. Ça en fait au moins un.

Être féministe pour moi ça veut pas dire jamais vouloir être jolie, mais choisir les moments, et la façon dont on veut l’être.

Comment ça s’est passé avec tes proches ?

J’ai fait ce choix-là quand j’étais à Terre-Neuve et Labrador. Je l’ai dit au téléphone à mes ami.e.s, mais elles et ils ne m’ont pas vue pendant cinq mois. J’ai une amie d’enfance, super proche, et quand on s’est revues, elle m’a dit qu’elle voulait voir mes aisselles. Je lui ai montré et elle a dit « c’est pas juste, t’en as presque pas ». J’ai été déçue par son commentaire, parce que j’étais fière de moi. Elle pensait qu’elle ne pourrait pas, parce qu’elle a une plus forte pilosité. Ça m’a rendue triste. J’avais quasiment envie d’avoir une plus forte pilosité.

Avoir une pilosité peu importante, c’est une forme de privilège ?

Oui, c’est justement pour ça que ça m’a fait de la peine quand mon amie m’a dit ça. Je faisais une démarche d’introspection difficile, avec les enfants à l’école. Mais elle avait raison.

Mon amie qui a déclenché ma réflexion a une très forte pilosité. J’ai une autre amie qui se rase pas. Donc j’avais deux modèles autour de moi avant de décider de le faire. Ces deux amies ont plus de poils que moi. Moi aussi je voulais plus de poils, c’est drôle.

Fabien me dit qu’il a l’impression que je m’étire plus souvent depuis que je ne m’épile plus les aisselles. Et je pense qu’il a raison. M’étirer en public pour montrer que ça existe, que c’est cool et que je suis quand même coquette à ma manière. Je me trouve quand même jolie et j’aime mettre des beaux vêtements. Je peux avoir du poil et être sexy quand même. Je n’ai pas beaucoup de poils mais ils se voient, et je vois dans le regard des autres personnes qu’elles le voient aussi. Tant mieux si je peux agir à ma petite échelle. C’est une fierté de le faire. Je ne suis pas dans des associations, mais au quotidien je travaille.

À un moment il y avait une petite mode autour du poil, tu peux acheter un brillant pour mettre dans tes poils.

J’avais aussi vu des femmes qui se teignaient les poils en bleu. Tu as déjà fait ça ?

Non, mais j’avais envie, parce que ça pose la prise de position, ça fait « statement ».

En même temps, c’est aussi une prise de position politique forte de laisser ses poils au naturel, sans les « améliorer ». Se teindre les poils en bleu ou mettre du brillant, est-ce que c’est pas une manière de rendre ça glamour ? Est-ce que ça ne serait pas une manière de rendre les poils acceptables aux yeux d’une société sexiste ?

Oui je comprends ton point, mais d’un autre côté je trouve que ça dédramatise le poil, ça le rend ludique. Peut-être qu’un jour je le ferai, pas longtemps.

Il y a d’autres sujets dont tu essayes de parler, pour lesquels tu sens des résistances ?

Les règles j’en parle souvent. Je me rends compte que parler de ce sujet, c’est encore tabou. Des fois j’en parle à des gens, et je sens une petite barrière, et dans ces cas-là je me dis qu’il y a un travail à faire.

Les seins aussi. Ça doit tout le temps être beau, même si je suis en situation qui n’a vraiment pas rapport avec la séduction. En public, nos seins ne peuvent jamais être juste des seins. Il y a un événement où on peut faire du vélo nu.e, j’avais envie de le faire. C’est une expérience vraiment intéressante, que ton corps soit juste un corps, ça doit faire vraiment du bien.

Un autre sujet c’est le fait de vouloir des enfants ou non. Moi je ne veux pas d’enfants, je suis chanceuse c’est quand même plutôt bien accepté, mais quand j’en parle à l’extérieur c’est encore super tabou. Depuis que j’ai 17 ans je sais que je ne veux pas d’enfants et ça n’a jamais changé.
J’ai encore du mal avec ça, je ne veux vraiment pas juger les femmes qui veulent des enfants, mais tout ce que je veux au fond de mon cœur c’est qu’elles réfléchissent si elles les veulent pour les bonnes raisons. J’ai des amies trop cool qui m’ont dit qu’elles en voulaient, que c’était physique, elles savent que c’est hormonal, que c’est leur corps. D’autres disent que c’est une question d’épanouissement personnel, qu’elles veulent éduquer un enfant, qu’il leur ressemble, laisser un patrimoine.

Mais il y a des femmes qui m’ont dit qu’elles regrettaient d’avoir eu des enfants. Et c’est super tabou de dire ça. Mais s’il y a un regret c’est qu’il n’y a pas eu de réflexion avant. Ça me fait vraiment de la peine quand je vois des femmes qui ont des enfants juste parce qu’il faut en faire. Encore une fois c’est la femme que ça pénalise beaucoup plus.

Pour aller plus loin sur le non-désir d’enfants, voir le documentaire Maman non merci

Propos recueillis auprès de Noémie Albert, le 12 octobre 2017, à Montréal

Lire le portrait de Noémie Albert

Noémie Albert, « la sphère privée peut devenir rapidement collective »

Aller plus loin

Plus d’articles et entretiens thématiques

Le pensionnat a accueilli des jeunes filles entre 1851 et 1975.

Marie-Andrée Boivin, « Femmes sourdes, dites-moi… »

5 août 2018/par Marion M

L’antiféminisme au Québec

27 avril 2018/par Marion M

Le masculinisme, un avatar de l’antiféminisme

27 avril 2018/par Marion M
Charger plus
Download Best WordPress Themes Free Download
Download WordPress Themes
Premium WordPress Themes Download
Download Premium WordPress Themes Free
free online course
download coolpad firmware
Download WordPress Themes Free
download udemy paid course for free
© 2018 Marion M | Site réalisé par Marion M, avec le soutien de   | Mentions légales | Contact

La vidéo, un medium féministe ? Suite de l’entretien avec le Groupe Intervention... Noémie Albert : « la sphère privée peut devenir rapidement collective ...
Faire défiler vers le haut