Hommes protecteurs et hommes violents : des rôles complémentaires ?
Dans une interview donnée aux Presses Universitaires du Québec, Mélissa Blais évoque une dichotomie dans le groupe social des hommes entre hommes violents et hommes protecteurs des femmes et des féministes.
Quel impact a cette distinction « hommes violents » et « hommes protecteurs » sur les luttes féministes : comment combattre un groupe social si celui-ci apparaît comme divisé entre « bons » et « mauvais » ?
« Cette mise en lumière que les hommes n’ont pas tous besoin d’être violents pour que le système fonctionne ne vient pas de moi. Elle vient de féministes des années 1970. Leur analyse est très juste, même encore aujourd’hui. Jalna Hanmer a écrit sur la violence comme contrôle social des femmes. Pas besoin d’agresser toutes les femmes pour exercer un contrôle. Nul besoin non plus que tous les hommes soient violents pour maintenir cette logique de peur en place. Il suffit d’agresser une femme pour que les autres aient peur, il suffit de perpétrer la menace voulant que puisque la rue, la nuit, appartient aux hommes, les femmes courent un danger de s’y aventurer. La violence permet de maintenir des espaces de non-mixité sociale, de contrôler les femmes dans l’espace, mais aussi le corps des femmes. Ça crée un effet de menace qui assure à ceux qui ne sont pas violents un rôle de protecteur. Mais « l’homme protecteur » est en quelque sorte le pendant de l’homme agresseur, qui participe d’un même système qui avantage l’ensemble des hommes. Je m’explique : si j’ai peur de me faire agresser dans le rue, il se peut que je demande à un ami de me raccompagner. Il se peut aussi que je privilégie le concubinage hétérosexuel ou la colocation avec un homme pour me sentir en sécurité chez moi. Dans ces circonstances, qu’advient-il de mon autonomie ? Puisque des hommes biens intentionnés assurent diverses formes de protections, ils tirent aussi avantage du fait que des femmes ne sont pas en sécurité. Autrement dit, la violence maintient les femmes dans une dynamique de dépendance. Ce n’est pas nécessairement recherché, mais c’est un effet des violences masculines contre les femmes. En somme, les hommes violents servent aussi les intérêts des hommes non-violents. »